Fac-similé de la Gazette des atours de Marie-Antoinette, registre de 1782
Un livre-objet à la fabrication soignée
Les Archives nationales conservent un registre daté de 1782 ayant appartenu à Mme d'Ossun, dame d'atours de Marie-Antoinette, où sont fixés des morceaux d'étoffes accompagnés de brèves mentions manuscrites. Ce document se rapportant à la garde-robe de la reine a été maintes fois commenté, étudié, reproduit. Or, ce que ce registre a de plus intéressant à nous dire, c'est ce qu'il tait. Qui le feuillette éprouve une surprise immédiate, teintée de déception : les tissus sont d'une extrême simplicité, les couleurs, assourdies, les indications écrites, elliptiques. Où est le luxe dont témoignent les mémoires des contemporains, les tableaux, les caricatures, mille textes dont le champ s'étend de l'ordure à l'hagiographie ? Comment justifier, surtout, la distorsion entre la modestie du registre d'Ossun et les dépenses extravagantes dont les écrits minutieux du secrétaire de la garde-robe conservent la trace la plus objective ? Le luxe, en cette fin du XVIIIe siècle, connaît une mutation fondamentale. En matière de vêtement, il ne réside plus essentiellement, comme c'était le cas depuis le Moyen Âge, dans la richesse des matériaux dont on habille le corps, il est dans leur mise en œuvre, ce qu'on appelle la façon ; il n'est plus dans les tissus (et c'est pourquoi on ne le trouve pas dans ces pages), mais dans leur coupe, dans la variété des accessoires et dans la rapidité de renouvellement de la première et des seconds. C'est-à-dire qu'il gît principalement dans la valeur ajoutée par cette figure nouvelle et déterminante : la « marchande de modes », qui vend, non une robe, mais son talent, bref, qui invente la mode moderne dont la plupart des traits se mettent en place pendant le règne de Marie-Antoinette et se retrouvent inchangés jusqu'à aujourd'hui. Ainsi ce registre porte-t-il en creux la trace d'une mutation essentielle dont on peut se demander si « la dernière reine » en a été un simple agent ou une véritable inspiratrice.
Cet ouvrage exceptionnel réunit le fac-similé de la Gazette avec les reproductions des échantillons des tissus et les notes de Geneviève d'Ossun ainsi qu'un texte d'accompagnement d'Ariane James-Sarazin et Régis Lapasin, richement illustré.
Réédité à l'occasion de l'exposition « Louis XVI, Marie-Antoinette et la Révolution. La famille royale aux Tuileries (1789-1792) », du 29 mars au 6 novembre 2023 aux Archives nationales, Paris.
Français
88 pages / 75 illustrations
Éditions Rmn-Grand Palais en partenariat avec les Archives nationales
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