Corpuscules frangés de cils, secouant leurs flagelles sous un microscope, squelettes hirsutes et coquilles annelées emprisonnés dans les pierres calcaires des dalles et des perrons, tout cet univers semblait déjà passablement étrange quand le cyclone de la théorie de l'évolution, publiée en 1859 par...
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Corpuscules frangés de cils, secouant leurs flagelles sous un microscope, squelettes hirsutes et coquilles annelées emprisonnés dans les pierres calcaires des dalles et des perrons, tout cet univers semblait déjà passablement étrange quand le cyclone de la théorie de l'évolution, publiée en 1859 par Darwin dans L'Origine des espèces, arracha la certitude la mieux enracinée de la pensée occidentale. L'homme, créé une fois pour toutes à l'image de Dieu et unique détenteur de la précieuse âme, se classait jusqu'alors bien à part du vivant ordinaire; il dut désormais compter avec cette vermine farfelue, qui prétendait figurer parmi ss lointains ascendants.
Entre autres conséquences, cette révélation causa un tel ébranlement métaphysique, que l'onde de choc parcourut toute l'étendue des idées et des formes. Et Redon, était-il darwinien, avec ses animalcules indistincts, ses globules en suspension et ses sirènes pythonesques? Son univers est dans l'œil du cyclone; régis par des lois mystérieuses, ses polypes aux cheveux raides, qui nous considèrent de leur œil unique et pathétique, possèdent, eux aussi, une âme compatissante.
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